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Bruit de couloir

Iga Swiatek suspendue pour dopage : le gros bordel

Swiatek dopage
Source image : WTA (screenshot)

La dopping bomb a frappé de nouveau jeudi dernier : Iga Swiatek, actuelle numéro 2 mondiale, a été testée positive pour trimétazidine (TMZ). Résultat suivi d’une sanction d’un mois labellisée « sans faute ou négligence significatives ». De facto, l’impact direct sur son avenir tennistique est infime. Le 4 décembre, la Polonaise sera à nouveau apte pour revenir sur les courts, et rien ne mettra en danger sa participation à l’Open d’Australie. Mais l’impact médiatique et moral est immense, et le monde du tennis est aujourd’hui ébranlé par une série de questions profondes.

Comment digérer cette affaire après celle de Jannik Sinner ? Pourquoi dans les deux cas on apprend les faits si tard ? Pourquoi ne pas sanctionner Sinner, à la différence de Swiatek ? Est ce qu’ils ont bénéficié d’un traitement de faveur ? On va tenter de répondre à ces questions, mais ça va demander un peu de patience et quelques mots un peu techniques.

D’ABORD, LES FAITS

Le 12 septembre, l’International Tennis Integrity Agency (ITIA, oui, il y aura aussi beaucoup d’acronymes dans ce texte) contacte Iga Swiatek pour lui annoncer le résultat du test qu’elle avait passé exactement un mois avant, le 12 août, lors d’un jour sans match du Masters 1000 de Cincinnati. Positive pour TMZ, substance utilisée en médecine pour traiter les angines et considérée illégale (en ou hors compétition) depuis 2014 puisqu’elle permettrait d’améliorer le flux sanguin.

Le 12 septembre, seule Iga Swiatek est au courant. Ce qui s’explique par le principe de prudence issu du protocole de l’ITIA, qui permet aux joueurs et joueuses de faire appel dans les 10 jours suivant l’annonce du positif. C’est simple : en cas d’appel, une investigation s’enclenche et l’opinion publique ne saura rien jusqu’à ce qu’elle soit entièrement aboutie et, le cas échéant, la peine prononcée avec une valeur rétroactive (d’où ces 22 jours déjà écopés par Swiatek).

Pourquoi Swiatek a fait appel ? Parce qu’elle est convaincue de ne pas avoir ingéré cette substance et qu’il s’agit donc d’un cas de contamination. Son équipe se met au travail, et trouve une piste : la mélatonine qu’elle prend occasionnellement pour retrouver le cycle de son sommeil entre les tournois, et qu’elle avait bien prise la nuit du 11 au 12 août. Deux laboratoires indépendants reconnus par l’Agence Mondiale Anti-dopage (AMA) prouvent cet argument après avoir fait des études de cette mélatonine commercialisée en Pologne : elle était bien contaminée par la TMZ. Tout cela semble correspondre au faible volume détecté dans le test urinaire, et au fait qu’il n’y en avait pas de trace dans l’analyse capillaire. La conclusion est claire : aucune volonté de la part de la joueuse de jouir des « bénéfices » d’une substance par ailleurs remise en question de temps en temps depuis 2014.

ENSUITE, LA TOURMENTE

Tandis que Swiatek publie sur ses réseaux sociaux une longue vidéo expliquant en détail la situation dans « un souci de transparence« , l’ITIA convoque plusieurs médias internationaux à une conférence de presse via Teams pour tenter d’éclaircir la situation et répondre aux nombreuses questions et critiques qui pleuvent déjà sur Internet. On comprend maintenant la vraie raison de l’absence de Swiatek des tournois asiatiques en début d’automne « pour des problèmes personnels », suite à laquelle elle perd sa première place au ranking WTA. Elle profite aussi de l’occasion pour changer de coach.

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La conclusion des réponses de l’ITIA sont aussi logiques que troublantes. D’abord, sur le secret entourant l’affaire, que seule l’intéressée aurait pu briser (a priori, rien n’empêchait Iga d’annoncer l’investigation en cours) : personne ne voit le protocole du silence comme un idéal. Mais il semble la meilleure mesure pour éviter une tourmente médiatique qui perturberait sans doute la possibilité de mener de façon juste ce genre d’investigations, à l’issue desquelles la transparence redevient « absolue » de la part de l’ITIA. En même temps, s’il y a un secteur où la confiance du public est une valeur essentielle, c’est bien le dopage, ce qui rend ces silences problématiques.

Pourquoi sanctionner Swiatek après une investigation qui semble plutôt l’innocenter, même si ce n’est qu’un mois ? Tout est dans la nuance: « sans faute ou négligence significatives » ne veut pas dire « sans faute ou négligence », ce qui était le cas de Sinner. C’est là que l’affaire reste très complexe, car on ne voit pas en quoi Swiatek a pu être fautive, même de façon insignifiante, et pas Sinner. L’explication implique des questions techniques et bureaucratiques sur les obligations des joueurs et joueuses de déclarer les médicaments et autres produits, afin justement d’éviter autant que possible ce genre de situations. Et surtout, puisqu’elle s’est procurée la mélatonine sans ordonnance (ce qui est normal en Pologne), elle aurait pu prendre soin de trouver une version testée ou la faire tester elle-même avant la consommer. Néanmoins, une question subsiste. Comment la Polonaise a pu jouer les WTA Finals et la Billie Jean King Cup alors qu’elle est sous le coup d’une sanction. Iga aurait pu choisir ses jours de suspensions comme on pose ses jours de vacances ? Encore un élément qui énerve tous les acteurs du tennis.

SINNER, SWIATEK : INCOMPARABLES MAIS LIÉS

La proximité des deux affaires est inquiétante. Elle fait certainement émerger un nuage de soupçon sur le monde du tennis. Mais si on élargit le regard, il y a de quoi relativiser. Le chiffre de 12 ou 13 sanctions annuelles demeure plus ou moins régulier ces dernières années et il n’y aurait pas de quoi craindre une recrudescence, seulement en 2024 il y en aurait eu deux d’une visibilité folle. On peut argumenter que l’amélioration de la précision des analyses donnera de plus en plus de positifs mais pour des doses presque infinitésimales, comme c’était le cas de Swiatek et Sinner.

Reste la question du soi-disant traitement de faveur reçu par tous les deux, au vu de la maigritude des sanctions. Cela a énervé Simona Halep ou Denis Shapovalov. Là aussi il y aurait à relativiser. D’abord, parce qu’on imagine mal un quelconque traitement de faveur dans un sport qui dévoile des tests positifs de ses deux numéros 1 mondiaux (au moment des faits). Et le délai des dix jours pour faire appel est le même pour tout le monde, indépendamment de son classement et de son statut. Mais il y aurait là un traitement de faveur indirect et inévitable : combien de joueurs et joueuses disposent d’équipes aussi nombreuses, chères et compétentes comme pour obtenir tous les éléments nécessaires pour faire appel dans un délai si court ? Iga elle même avoue dans sa vidéo : sans son équipe, elle n’aurait jamais pu prouver son innocence.

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Il ne faut pas oublier que l’appel de l’AMA dans le dossier de l’Italien est en cours, avec une demande de sanction à l’ordre du jour. Là aussi, c’est une question de confiance qui est en jeu. Car il ne s’agit pas tellement de remettre en question la version de Sinner, ni d’apporter de nouvelles preuves. Plutôt de nuancer la notion de responsabilité dans certaines contaminations, y compris ignorées par le joueur.

Et malgré tout, comment se rassurer ? Comment ne pas penser la prochaine fois où un joueur ou joueuse s’absentera du circuit pour des « soucis personnels » qu’il s’agit en réalité d’une investigation pour dopage dont on nous cache tout ? Si rien ne semble plus important que de garantir le droit des athlètes de prouver leur innocence sereinement et les conditions idéales pour réaliser les investigations, on ne peut pas nier que ces deux affaires font beaucoup de mal au tennis et à la relation joueur-public.

Vous l’auriez compris, arriver à rassurer son esprit demande beaucoup d’efforts, beaucoup de lecture aussi, beaucoup de notions techniques. Alors que justement le rôle des entités anti dopage est censé être le contraire : garantir une confiance absolue dans un sport sain et transparent. Le tennis va sombrer sous le poids du doute ? Pour l’instant la situation ne semble pas aussi extrême, au moins dans le cas concret de Swiatek : la WTA a déjà affiché son soutien à la Polonaise et sa réputation au sein de ses fans reste solide. Mais sa carrière sera toujours couverte de la tâche d’une sanction pour dopage, ce qui n’est pas le cas de Sinner… pour l’instant.

Fernando Ganzo

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