La saison 2022 est maintenant derrière nous. Elle nous aura rempli de joie, d’adrénaline, d’excitation même, mais également de profonde tristesse. Des matchs renversants complètement fous, des Grand Chelem gagnés sur une patte, des records battus à la pelle, mais aussi de nombreux départs. Une ère est en train de se tourner. Pour se remettre tout ça en tête, Jeu Blanc vous propose une série de 50 articles en guise de memento.
Qui l’eut cru que ce petit danois à la bouille d’ange deviendrait dès la fin de saison 2022 un joueur capable de renverser les meilleurs ? Capable de battre Stefanos Tsitsipas sur le central de Roland-Garros, puis en finale à Stockholm. Capable d’enchaîner neuf victoires de rang en indoor. Puis capable de remporter le Rolex Paris Masters au bout d’une finale dantesque face à Monsieur Novak Djokovic. Personne n’avait osé l’imaginer il y a un an. Personne sauf Holger Rune lui-même et c’est bien là toute la différence.
Une saison à deux vitesses
Début 2022 le jeune Holger est 103e à l’ATP. S’il a fait ses marques sur le circuit Challenger, il reste un novice chez les patrons. Sa tournée australienne n’est pas un grand succès : trois défaites au premier tour en trois tournois disputés. Le Danois peine à trouver la solution face à des joueurs bien installés dans le top 100. En manque de confiance, il retourne sur le circuit Challenger. Il s’impose à San Remo. Une victoire déterminante dans la suite de sa saison.
Ses capacités d’explosivité et de puissance permettent à Rune de prendre beaucoup de temps à ses adversaires. Une qualité encore plus essentielle sur terre battue. C’est à Munich que le petit 2003 (ça me rajeunit pas d’écrire ça), crève l’écran en remportant son premier tournoi ATP. Avec au tableau de chasse un certain Alexander Zverev. Rien que ça ! Puis après une demi-finale à Lyon, il débarque à Roland-Garros pour la première fois dans l’optique de marquer les esprits.
La Porte d’Auteuil est son premier grand rendez-vous en carrière. Rangé dans la case des prospects, il doit confirmer son beau potentiel. Chose qu’il fera puisque Rune enchaîne les victoires. Au fil des tours, le grand public découvre ce joueur au visage d’ange et au caractère diabolique. Toujours à la limite du pétage de plomb lorsqu’il manque un geste, Rune fait partie de ces joueurs qui ne ménage pas sa box pendant la rencontre. Une nervosité qui lui a longtemps été fatale. Étant à l’origine de crampes parfois tôt dans les rencontres. Mais à Roland-Garros, son très bon niveau surprend Stefanos Tsitsipas 7/5 3/6 6/3 6/4, pourtant annoncé comme l’un des favoris à la victoire finale. Stoppé en quart de finale par le futur finaliste Casper Ruud, Holger Rune se fait un nom sur le Grand Chelem parisien.
Un nom et un statut que Rune a du mal à confirmer par la suite. Après Roland-Garros, le Danois aligne une étonnante série de six défaites consécutives. Une mauvaise passe qui se prolonge jusqu’à l’arrivée d’un homme à ses côtés : Patrick Mouratoglou.
Patoche le porte-bonheur
Rune est un enfant de l’Académie Patrick Mouratoglu. Le Danois fréquente les courts du coach français dès l’âge de 12 ans et s’entraîne régulièrement sur la Côte d’Azur. Mais en octobre dernier, Patrick Mouratoglu se rapproche encore plus de Rune, jusqu’à intégrer sa box et devenir son entraîneur. Un changement qui coïncide avec le regain de forme d’Holger. Total hasard ou vraie performance de Patoche, le mystère reste entier. Après une tournée américaine décevante, il retrouve des couleurs en Bulgarie et en Suède (en même temps il est Danois donc le soleil…). Finale à Sofia et victoire à Stockholm en battant…Tsitsipas ! Mais aussi De Minaur et Norrie plus tôt dans le tournoi. Puis à Bâle encore une finale !
Sous le toit sa puissance et son agressivité font mal à ses adversaires. Rune devient une menace pour quiconque croise son chemin. Même Carlos Alcaraz peine à rivaliser lors du choc des 2003 qui les oppose à Bercy. L’Espagnol, touché aux abdos, a été contraint d’abandonner à quatre points de la défaite. Voilà Rune en finale d’un Masters 1000 pour la première fois de sa carrière. L’effet Mouratoglu ? Son agent français Philippe Weiss tempère dans les colonnes de L’Équipe “dans l’encadrement, il n’y a pas que Patrick (…), même s’il a un rôle important depuis très longtemps et maintenant un petit plus près du terrain”.
De là à imaginer Rune battre Novak Djokovic en finale de Bercy à l’issue d’un des matchs les plus spectaculaires de l’année ? Non quand même pas pu**** Et bien si ! Le 6 novembre dernier, au bout de 2h30 de combat, Holger à déjouer les pronostics en remportant ce match 6/3 3/6 7/5. Un sacre en guise de réponse à l’autre 2003 dominant du circuit.
Désormais à la porte du top 10 (11e mondial), Holger Rune a de belles cartes à jouer début 2023 avec très peu de points à défendre. Encore faut-il qu’il ne connaisse pas la même gueule de bois post Roland-Garros. Est-ce que Patrick sera là ? Et si la clé de son succès se trouvait là ? Le suspense est insoutenable.