La saison 2022 est maintenant derrière nous. Elle nous aura rempli de joie, d’adrénaline, d’excitation même, mais également de profonde tristesse. Des matchs renversants complètement fous, des Grand Chelem gagnés sur une patte, des records battus à la pelle, mais aussi de nombreux départs. Une ère est en train de se tourner. Pour se remettre tout ça en tête, Jeu Blanc vous propose une série de 50 articles en guise de memento.
On aurait pu choisir une autre image pour illustrer le dernier match de l’immense carrière de Jo-Wilfried Tsonga. Ses larmes avant de servir sa dernière balle, son visage embrassant une ultime fois la terre du Chatrier, ou bien la cérémonie émouvante organisée après la rencontre. Mais nous avons préféré choisir l’instant où Jo, par un smash rageur, est parvenu à empocher la première manche au tie-break, face à Casper Ruud. Symbole de sa détermination et de son état d’esprit de gagnant qui l’a suivi aux quatre coins du monde durant ses dix-huit années sur le circuit.
Une sortie à l’image de sa carrière
Vous vous dites certainement que cette formule est galvaudée, qu’il s’agit d’une banalité. Mais si on ne peut pas l’utiliser pour ce cas précis, on ne l’utilise jamais. Parce que oui, ce 24 mai 2022, Jo s’est offert la sortie qu’il méritait, sous les applaudissements d’un public qu’il a fait vibrer, parfois à Roland Garros, souvent ailleurs.
Pourtant, ce n’était pas gagné lorsqu’il est entré sur un court Philippe Chatrier à moitié vide. Une scène qui nous a rappelé un autre grand rendez-vous de la carrière du Manceau à Roland-Garros. Quand en 2013 il affrontait David Ferrer en demi-finale, orphelin d’un public rassasié, qui venait d’assister à la victoire de Nadal sur Djoko en cinq sets et 4h40 de jeu. Mais cette fois, pas question de traverser la rencontre comme un fantôme. Tsonga est prêt à y laisser ce qui lui reste d’un corps déjà bien marqué par une carrière éprouvante. Alors il s’arrache et remporte la première manche au tie-break. La foule s’emballe et le court central se remplit. Il est allé chercher son ultime frisson.
Une épopée brisée par un corps cabossé
La suite du match est un combat que l’on n’envisageait pas. Face à Casper Ruud spécialiste de terre battue, Tsonga arrache un nouveau tie-break qu’il finit par lâcher. Après avoir craqué dans la troisième manche cédée 6/2, Tsonga se lance dans un quatrième set, espérant que ce ne soit pas le dernier. Lorsqu’il break Casper Ruud à 5-5 on se dit que c’est bon. Il tient son cinquième set rêvé. Il va peut-être même repousser l’échéance de la petite mort. Le court Philippe Chatrier s’embrase. Marseillaise et standing ovation aux changements de côté accompagnent le guerrier. Mais c’est là que les limites d’un corps dont il a exploité 110% des capacités le rattrapent. Sur un coup droit croisé gagnant, l’épaule droite lâche. La manipulation du kiné n’y peut rien. Tsonga ne peut plus servir, ni smashé. On comprend alors que c’est la fin. Mais pas question de lâcher la raquette. Service à la cuillère et smash main gauche, Tsonga se battra jusqu’au dernier point comme un mort de faim. C’est finalement au bout d’un troisième jeu décisif que Jo s’arrête 6/7, 7/6, 6/2, 7/6. Il n’y aura pas une dernière danse des pouces ce jour là mais on ne lui en tient pas rigueur.
Si la fin se termine par des larmes, en regardant en arrière Jo-Wilfried Tsonga retrouve le sourire. Conscient d’avoir exploité l’ensemble de ses capacités et d’avoir souvent repoussé les limites. Passé tout proche du Graal en 2008 à Melbourne dans une génération qui n’a laissé que des miettes aux autres, Tsonga peut être fier de son voyage qui jusqu’au bout, aura été fabuleux.